Hounnongan Adodo Tchètoula, vous êtes un grand prêtre des divinités mamy Dan et Tron, pouvez-vous vous présenter davantage aux lecteurs du magazine Afiavi ?
Je suis bien mamy dan hounnon et hounnongan du tron. A ce titre, j’occupe les fonctions de Premier vice-président des mamy dan hounnon du Bénin puis Secrétaire à l’organisation du cadre national de concertation des religions endogènes.
Alors dites-nous concrètement ce que c’est qu’un mamy dan hounnon ?
Je dois d’abord vous expliquer brièvement ce qu’on appelle mamy dan. Si l’on considère dan comme une collectivité, mamy en est une famille, une partie ; c’est l’esprit de l’eau, plus précisément l’eau de mer. Maintenant, mamy dan hounnon est un prêtre vodoun de tout entité qui couvre l’eau, qui gouverne l’eau, qui est dan y compris mamy.
Cela veut donc dire qu’il y a une différence entre mamy et dan ?
Il y a une nuance. Qui dit mamy tout court se limite à cette seule divinité. En revanche, mamy dan hounnon est un prête capable d’intervenir chez beaucoup d’autres divinités notamment sakpata, hêbiosso, lissa, tohossou, etc.
Peut-on connaître les origines du culte mamy dan ?
Elles remontent très loin dans le temps au Bénin mais l’esthétique qu’on lui connaît aujourd’hui nous vient du Ghana. Nos aïeux disaient dan wéwé, lissa dan pour désigner les divinités de la mer et c’est bien cela que les Ghanéens nomment mamy.
En fait, pour vous, que représente le vodoun en réalité ?
De la matière ajoutée à de l’esprit. Disons pour être plus clair, ce que l’on ne maitrise pas, ce qui sort de l’entendement, ce qui dépasse l’effort de l’Homme, c’est cela que nos aïeux appelaient vodoun. Voyez-vous, ni la terre, ni le vent, ni le feu, ni l’eau n’ont été conçus par l’Homme. Ces quatre éléments de la nature sont immenses et ont un pouvoir inépuisable. On dit en langue fon « vo bo doun é do na vo wè gbédé a » (prends ton temps pour puiser car c’est une ressource inépuisable). Il s’agit ici du monde, de Dieu. Pour désigner Dieu on dit en fon mahou sègbo lissa ; chaque être à son « sè » c’est-à-dire son âme qui est immortelle.
Les quatre éléments de la nature pris séparément ont été appelés vodoun par nos aïeux mais pris collectivement en un ensemble, cela représente Dieu. Dans le culte vodoun on dit aussi « mi na sin houn » (nous allons adorer le sang). C’est un code. Tout être a son sang qui appartient à l’un des quatre groupes A, O, B, AB. En spiritualité, il n’y a pas de hasard ; mes recherches sur la question m’ont permis d’établir un lien entre chaque groupe sanguin et chaque divinité mère. Cela veut dire que chaque être humain est gouverné par un élément de la nature et son comportement aura un lien direct avec cette divinité. Alors s’il n’a pas un respect pour les totems de cette divinité, sa vie connaîtra des soubresauts.
Et comment devient-on hounnon gan ?
Il faut d’abord être initié, puis intronisé hounnon (prêtre) avant de devenir hounnon gan (grand prêtre). Chez mamy dan, un hounnon doit exercer sept ans avant d’obtenir le pouvoir d’introniser d’autres hounnon et après avoir intronisé au moins trois hounnon, il devient hounnon gan. Dans la divinité tron, on installe le vodoun et après un certain temps et certaines cérémonies, l’intéressé devient hounnon gan. Il acquiert alors le pouvoir d’installer le tron à quelqu’un d’autre.
Qui peut être adepte de mamy dan ?
Nous acceptons tout le monde chez mamy dan. Nous travaillons à partir des groupes sanguins liés chacun en ce qui le concerne à une divinité.
Y a-t-il une différence fondamentale entre le culte vodoun et d’autres pratiques religieuses en cours au Bénin ?
A mon avis, vodoun est la religion la plus proche de la vérité. Voyez-vous, lorsque nous adressons une prière à notre Dieu, nous nous assurons si elle est exaucée ou pas. Ce qui n’est pas le cas chez les autres, ils prient et partent sans savoir si entre temps Dieu a accepté leurs doléances ou non. En revanche, chez nous, quand tes prières ne sont pas acceptées, vodoun te le dit aussitôt.
Et comment ?
On jette les cauries. Et les signes de l’oracle nous révèlent ce qu’il en est. Si c’est un refus, on en cherche immédiatement la raison ; et quand la cause est détectée, il faut absolument la réparer soit en se corrigeant soit en se remettant en cause. Toute faute est accompagnée d’une sanction, ce qui oblige à aller toujours dans le bon sens voulu par la nature.
Nous sommes presque des naturalistes. Ailleurs on saccage tout et c’est le politique qui vient sensibiliser sur la nécessité de protéger nos forêts, de ne pas souiller nos eaux. Or vodoun lutte depuis toujours pour le respect et la protection de la nature.
Y a-t-il des interdits pour les adeptes de mamy dan ?
Absolument, c’est à travers les interdits qu’un adepte est en harmonie avec sa divinité. Un exemple simple, si demain est jour de culte, interdiction est faite d’avoir des rapports sexuels la veille pour rester dans un état pur et non pas pour rester chaste pour son mari de nuit comme certains l’interprètent. Ce n’est pas le cas, ce n’est pas vrai. Vodoun pour nous c’est Dieu, et l’être humain devrait se mettre dans un état pur pour communier avec lui.
Que voulez dire, qui n’a pas été dit ?
On ne peut tout dire, il reste toujours à dire.
Théophile Babo (Afiavimag)